jeudi 16 mai 2013

"Ousmane le Malien" (conte, 1er épisode)


Ousmane le Malien était homme avisé
D’intelligence aiguë il avait hérité.
Très grand observateur il avait remarqué
– et en réalité il fallait le noter –
Que dans son beau pays peu d’hommes étaient lecteurs.
« Je vois en cette absence de livres chez mes frères
Un signe qu’un beau jour tout viendra en son heure
Et que je pourrai mettre sur les étagères
de plus en plus d’ouvrages et de grands auteurs ».
Ainsi parlait Ousmane en son for intérieur
Car il se souvenait qu’en des temps antérieurs
Son aïeule déjà, grand-mère visionnaire,
Lui avait raconté comment en une autre ère
Un marchand de chaussures et de souliers
Avait pointé du doigt ceux qui allaient nus pieds
et prétendaient marcher ainsi sans sourciller
De Bamako à Kayes, Tombouctou et Djenné.
Jusqu’au jour où le grand vendeur leur apporta
Des souliers qu’ils mirent bien vite à leurs pas.

Ousmane attendait donc et très bien lui en prit
Car un beau jour un homme arriva qui lui dit :
« Je viens du bout des mers, au-delà l’océan,
J’ai des livres en pagaille, mais je n’ai pas le temps ». 
Ousmane lui sourit déjà tout réjoui
De ce nouveau commerce qu’il avait prédit.
« Du temps nous en avons ici, Sieur étranger
Et je vais m’atteler à bien l’utiliser.
Je vais vendre tes livres et toutes tes revues
Et l’on verra qu’ici les bons textes sont lus ».
Point de palabre n’eut, contrat prompt fut signé
Et voilà notre Ousmane parti en guerrier
Faire entendre partout la parole éditée
De grands littérateurs et proseurs avisés.
Des journaux il vendit et des romans encore
Il travailla beaucoup comme en un corps à corps
Réussit à convaincre ses contemporains
Parents, enfants, aïeux et encore cousins
Que lire est important bien au-delà des bancs
Pour savoir de quoi parlent les gouvernements.
« Aucun peuple, dit-il ne baisse plus la tête
à partir du moment où il sait tenir tête
au monarque qui cherche à toujours le tenir
sous le joug d’un pouvoir qui n’a pas d’avenir.
Lisez mes frères ! Lisez et n’arrêtez de lire
À aucun prix car c’est promesse d’avenir.
Apprenez grâce aux livres à dire enfin le “non !”
Qu’on vous a refusé en vous faisant leçon. »
Et Ousmane vendit des revues et des livres
Et encore illustrés et autres magazines
Il vendit tant et bien qu’un beau matin de livres
Il ne resta plus rien. Il dut téléphoner :
« Envoyez moi encore de votre beau papier
Car il plaît à mon peuple dans son entier
Et si j’ai pu vendre ces pages à des parents
Je devrais réussir à toucher les enfants »....
(à suivre)

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