dimanche 26 mai 2013

Ousmane le Malien (conte moderne III)


Femme le regarda et secoua la tête :
« Serais-tu mon époux devenu donc si bête ?
Tu l’avais dit un jour et tu avais raison
Nous allons grâce à toi payer notre maison,
Vivre mieux et pouvoir acheter nourriture
Appareils ménagers, vêtements et voiture
Vivre en bref comme il faut et desserrer ceinture. »
Mais de finir l’épouse n’eut pas même le temps
Car son mari Ousmane était déjà partant
Il s’était enfermé dans sa chambre au secret
Et levait vers le ciel des yeux pleins de regrets.
« Seigneurs, dit-il alors aux dieux environnants
J’ai gagné je le sais déjà beaucoup d’argent
Permettrez-vous qu’encore argent et or j’amasse
Alors que j’ai reçu déjà toutes ces grâces ? »
Les dieux se concertèrent puis tous en un murmure,
Firent savoir que non,  que nulle forfaiture
N’avait jamais servi à l’enrichissement
D’Ousmane le travailleur, le contraire d’un brigand.
Aussi pouvait-il bien aller encore d’avant.

Rassuré le Malien appela à Paris
Mais il prévint quand même son libraire ami :
«  Ceci mon cher, dit il est mon dernier achat
Car j’ai atteint mon ciel et encore au-delà.
Je n’irai pas plus loin que ce que je pus faire
Car le paradis est déjà pour moi sur Terre. 
J’ai travaillé beaucoup, me suis beaucoup donné
Nonobstant la présence de groupes armés,
J’ai sillonné les routes dans le nord là-bas
Fait rouler mon pick-up jusque dans l’Azawad
Et je ne saurais plus pourquoi ma peau risquer
Pour croiser ça et là des chameaux fatigués ».

L’ami n’écouta point, mais envoya des livres
Qu’Ousmane dédouana, mais il n’était plus ivre
De vendre, vendre encore et gagner des dollars,
Des euros, des billets, des lingots d’or en barre.
Il voulut appeler son ami à Paris
Mais le libraire en l’air était déjà parti
Dans l’avion, sérieux, il refaisait ses comptes
Et croyait que les chiffres lui narraient des contes.
« Je vais convaincre Ousmane de continuer
Nous avons réussi sans personne tuer
Nous sommes les plus riches des vendeurs de livres
Je trinque à ce bonheur de l’argent qui m’enivre. »

Pourtant lorsque les portes de l’aéroport
S’ouvrirent pour laisser les gens aller dehors
Le libraire français ne trouva pas ami
Venu le chercher là au moment pourtant dit.
Ousmane dort déjà, lui dit sa femme Atou,
Quand depuis son mobile il dit : « Où êtes-vous ? »
Il s’en alla piteux rejoindre son hôtel
Et attendit le jour suivant pour les nouvelles.
Il se présenta tôt chez son représentant.
Ousmane était assis tout seul sur un long banc.
« Alors ! lança le Blanc vite sans politesse
Tu es devenu riche et tes bras tu abaisses ?
Au lieu de t’atteler à atteindre partout
Les plus récalcitrants au livre et ses atouts ?
Sais-tu que tu pourrais gagner bien plus encore
Bien au-dessus du poids de ton épouse, en or ?
Et le mien et le tien encore rajoutés
Tu serais un Malien vraiment fortuné ! »

(à suivre)

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